Il faut bien admettre que ce future of work que nous sommes en train de préparer, imaginer, et même, espérer, nous confronte à plus d'une contradiction. Puisqu'il ne s'agit pas de faire une révolution, même en douceur, sans changer une partie des modèles de pensées, d'organisation, il faut aborder un concept qui a toute sa place en absurdie. La progression verticale... Je ne sais pas comment cela se passe ailleurs mais je sais qu'en France, la seule manière de progresser dans son entreprise, celle qui est valorisée, valorisante, qui cristallise toutes nos énergies depuis le premier jour de notre carrière, c'est celle qui consiste à passer du sous-sol au 1er étage, puis au second et ainsi de suite jusqu'au plus haut sommet (du moins celui que l'on s'est fixé). Cependant je ne sais pas vous, mais de mon côté depuis 10 ans, je rencontre beaucoup de salarié(e)s qui m'expliquent que devenir manager, gérer de manière hiérarchique des subordonnés, prendre la pression sans les appréciations ce n'est pas franchement leur objectif ni même ce qu'ils souhaiteraient à leur pire ennemi de machine à café. Il est indéniable que cette absurdie de la promotion (uniquement) verticale n'est pas l'apanage seule de l'entreprise, il s'agit d'une notion culturelle et philosophique qui consiste à dire que la progression est synonyme d'ascension. Dès notre enfance nous y sommes confrontés. L'école, qui adopte le principe de la notation par les nombres où le 10/20 est moins fort que le 15/20, nous prépare déjà à ce que nous allons faire toute notre vie. Aller plus haut.... Seulement voilà, certain(e)s ne veulent pas aller plus haut, mais plus loin, ailleurs, à côté, dans d'autres dimensions, d'autres domaines, progresser de manière transversale... N'est-ce pas indéniablement une promotion que de sortir de sa zone de confort en apprenant un nouveau métier, en gagnant en champs de compétences? Développer sa faculté relationnelle en explorant d'autres entreprises, d'autres équipes, prendre des risques, créer sa propre entreprise, tout cela n'est-il pas une progression? La semaine dernière je recevais une salariée d'un grand groupe à la Villa Bonne Nouvelle, laboratoire RH d'Orange dont The Big Factory fait partie. Elle m'expliquait qu'on lui avait proposé de prendre le poste "au-dessus" d'elle. Avoir plus de collaborateurs à manager, moins de N+1 entre soi et les habitants du dernier étage aurait dû la combler. Au lieu de cela, elle a décidé, assez courageusement il faut bien le reconnaître de changer totalement de champs d'action et donc de compétences. Changer de service, d'équipe, d'image au sein de la même entreprise est assurément une promotion pour elle, mais est-ce que cela sera perçu comme tel par les autres? "Ne plus prendre l'avion n'a aucun sens, en revanche il faut réhabiliter la valeur positive du train...autrement dit le haut est une valeur qui doit perdurer mais ne pas cristalliser à elle seule, les choix de progression de plusieurs générations de collaborateurs à venir."Je précise que cette personne n'est pas issue de la génération Z, ce n'est pas une "native", elle fait partie de cette génération au contraire habituée aux systèmes hiérarchiques, qui, sans les porter aux nues, les respecte. Mais pour autant ce genre de proposition ne fait plus rêver obligatoirement tout le monde. Il y a 2 jours encore j'ai également eu au téléphone une cadre d'une grande entreprise qui m'expliquait qu'elle avait renoncé à un poste plus valorisant en terme de nombre de personnes à diriger, donc plus haut sur le papier, pour choisir une fonction dont le sens, l'intérêt sont beaucoup plus forts pour elle. Les notions de bien-être , de sens, de bonheur sont des explications connexes à ces nouveaux choix. Si les Z mais aussi les millenials ne rêvent plus de cette ascension par le haut, ne faudrait-il pas revoir nos matrices RH, notre gestion des talents par des échelles de valeurs et de compréhension radicalement différentes? Ne plus prendre l'avion n'a aucun sens, en revanche il faut réhabiliter la valeur positive du train...autrement dit le haut est une valeur qui doit perdurer mais ne pas cristalliser à elle seule, les choix de progression de plusieurs générations de collaborateurs à venir. Les experts du monde RH comprennent aussi fort bien depuis quelques temps, que le manager des années précédentes ne peut plus servir de role model. Que ce nouveau manager doit lui-même agir en transversalité, en leader ou coach qui accompagne, valoriser ses équipes, qui d'ailleurs ne lui appartiennent plus vraiment...Former une communauté, en faire partie intégrante grâce ses compétences relationnelles et fonctionnelles n'est-il pas le meilleur axe de progression à espérer pour soi et son entreprise? Carole Michelon CEO The Big Factory |
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Carole Michelon Auteure
Laurence Ountzian Archives
Avril 2022
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